Autonomie et reconnaissance identitaire


Pour développer l’initiative et la créativité d’une communauté professionnelle, il faut développer son autonomie et cela passe par la valorisation et la reconnaissance de son identité.

Le développement de l’agentivité au fondement de l’autonomie


En développant des modèles collaboratifs, et en favorisant l’émergence de communautés professionnelles, diverses et étendues, les entreprises se trouvent confrontées à la question de l’autonomie et de l’initiative de leurs collaborateurs. Plus l’organisation et le management d’une entreprise favorisent les échanges, le partage d’informations et de connaissances, plus il convient de veiller à la reconnaissance de l’identité et de la contribution de chaque acteur pour favoriser sa capacité de challenge et de confrontation des idées – l’enjeu ici étant de transformer des collaborateurs « acteurs » en « sujets » collaborateurs (au sens de la psychologie cognitive ) auteurs d’une véritable contribution.

Cela passe inévitablement par le développement de l'agentivité. L’agentivité se définit à la fois par le fait de se vivre comme l’auteur de ses propres actions et par la capacité d’intervenir sur les autres et, d’une façon plus générale, sur le monde. A partir d’une telle idée on conçoit aisément que l’agentivité détermine le sens de l’autonomie et l’exercice de la responsabilité individuelle.

L’agentivité en entreprise se concrétise par l’anticipation, l’autoréflexion, l’autorégulation et la recherche du sens de l’action - autant de comportements qu’il est difficile mais indispensable de promouvoir dans le cadre d’une organisation horizontale du travail et d’un management collaboratif. Ces comportements sont essentiels car ils permettent de relier de façon fluide et efficace les contributions individuelles aux objectifs poursuivis par le collectif. En cela, ces comportements sont les fondements de la puissance et de l’efficacité des collectifs de travail. Toutefois, s’ils sont éminemment souhaitables pour leurs bénéfices ils demandent un investissement important tant pour le management que pour les individus eux-mêmes.

Les freins à leur développement sont souvent le sentiment d’anonymat et d’interchangeabilité des contributions, le sentiment de risque de "perte de pouvoir" de la part du management et enfin la crainte de « représailles » pour ce qui pourrait être assimilé à une opposition de la part du ou des collaborateurs qui s’y engageraient.

En entreprise, la conception de dispositifs favorisant l’émergence de l’agentivité reste, dans bien des cas, lettre morte car la tâche est compliquée. On constate en effet souvent que les conditions de l’affirmation de l’acteur professionnel sont négligées et que les dispositifs mis en place ne visent que très rarement la construction d’une communauté de collaborateurs « sujets » sur laquelle la volonté de s'appuyer est forte. En effet, si une telle communauté est puissante dans sa capacité contributive et constitue, en cela, une véritable ressource, elle l’est aussi dans sa capacité à challenger le management et ses orientations. Ainsi, les conditions de l’affirmation de l’acteur professionnel sont souvent délaissées au profit de la création d’espaces et de modes de collaboration où la dynamique collective semble devoir aller de soi et se limite à l’entrainement d’un petit nombre dans une coopération conjoncturelle, ciblée et temporaire.

La zone d’identité professionnelle, une condition nécessaire de l’agentivité


Pour qu’un collaborateur puisse se sentir auteur de ses actions au sein d’une entreprise, il faut qu’il dispose d’une "zone d’identité professionnelle" où il trouve l’ensemble des repères qui lui sont nécessaires pour reconnaitre et exercer son métier. Cette zone n’est pas un espace géographique clos dans lequel une corporation entretiendrait ses coutumes et ses symboles. Il s’agit plutôt d’une forme d’organisation et d’un mode de management qui donnent aux collaborateurs concernés la possibilité d’identifier à tout moment leurs contributions ainsi que celles de leurs pairs et partenaires.

Plus précisément, dans une « zone d’identité professionnelle », un collaborateur a toujours accès aux objectifs qui lui sont fixés, à ceux de son équipe, ainsi qu’aux interactions et à la stratégie nécessaires à la coordination des différentes activités concernées. Il peut ainsi intégrer les caractéristiques professionnelles de son collectif et il a la certitude de la réciprocité. De plus, il connaît les supports et les modes d’apprentissage qui vont lui permettre de progresser et les procédures de régulation et d’arbitrage qui permettent au collectif de s’adapter et de s’orienter. Bref chaque professionnel dispose des informations qui lui permettent de savoir ce qu’il fait, ce que font les autres, et quelle est la stratégie qui donne un sens et pérennise son domaine d’activités.

Au sein d’une "zone d’identité professionnelle" un individu se sent auteur de ses actions car il peut anticiper, se projeter, s’autoréguler, collaborer, s’orienter, il possède toutes les informations pour se repérer et agir dans un espace de travail. Son agentivité peut se développer dès lors qu’il conçoit la portée et les limites de ses actions ainsi que leur influence sur le travail d’autrui.

Il n’en va pas de même si le métier ou le domaine d’activités demeurent flous, si leurs fondements et leurs contours se modifient constamment sans que jamais une stratégie ne vienne éclairer les modifications et les évolutions permanentes qui touchent la nature et la portée du travail effectué. L’autonomie et la responsabilité se dissolvent alors dans un univers trop incertain où le caractère provisoire et interchangeable des fonctions prend le pas sur la localisation, l’histoire et le devenir d’une activité professionnelle. Il ne peut y avoir d’agentivité dans un monde où le sentiment d’être remplaçable à tout instant domine la relation au travail. Or, dans une économie mondialisée, les possibilités de voir sa fonction, son poste ou son métier disparaître se multiplient à foison. C’est pourquoi le maintien et le développement de l’agentivité est devenu, pour les entreprises, une clé de leur compétitivité et un enjeu organisationnel et managérial majeur.

L’agentivité, un enjeu de compétitivité et d’innovation organisationnelle comme managériale


Cet enjeu ne peut se réduire à une incantation sur les nécessités de l’adaptation au changement. Il faut, en effet une innovation organisationnelle et managériale forte pour faire valoir une autonomie et une responsabilité capables de s’exercer dans un environnement incertain. Et pour cela, la créativité managériale se doit d’être constante pour réussir à développer et maintenir l’initiative et la collaboration dans des environnements complexes et peu prévisibles. Pour y parvenir, le management doit, d’abord, faire en sorte que les collaborateurs se sentent autorisés et incités à énoncer, facilement et sans craintes, des hypothèses et des propositions dont ils puissent revendiquer clairement la paternité. Ensuite, il est indispensable de soumettre ces hypothèses et propositions à la confrontation. Les collaborateurs doivent ainsi être encouragés par leur management à développer leurs suggestions auprès des professionnels de l’entreprise susceptibles de les discuter et de les mettre en perspective par rapport à des objectifs déterminés. Ce faisant, le management organise un nouveau type de délibération professionnelle où chaque participant est porteur d’une hypothèse de travail et auteur d’une argumentation dont il assume explicitement les tenants et aboutissants afin de la soumettre aux points de vue d’autrui. Cette forme de délibération professionnelle relève de la « confrontation positive » et possède la particularité remarquable de faire se rencontrer des collaborateurs qui assument pleinement leurs contributions et se sentent auteurs des travaux qu’ils présentent et que, par ce biais, ils développent véritablement ensemble. La confrontation positive permet de pratiquer et développer les ressorts de l'agentivité en cela qu’elle contribue à reconnaitre et affirmer des identités professionnelles fortes. Tout le talent du management consiste alors à créer les conditions d’un renouvellement régulier de ce type particulier de confrontation afin que l’agentivité se développe et soit le gage d’une collaboration féconde, d’une intelligence partagée par des collaborateurs devenus des sujets responsables de leurs initiatives et de leurs actions.

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