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Les schèmes opératoires, un mode d’expression de l’intelligence collaborative


Les entreprises cherchent à développer l’autonomie et l’intelligence collective. Les schèmes opératoires sont le levier par lequel y parvenir et le modèle collaboratif l’a bien compris. Il favorise leur émergence pour se doter d’un avantage concurrentiel fondé sur la réactivité, l’innovation et le sens du collectif de ses collaborateurs.

Les schèmes opératoires au cœur du modèle collaboratif


L’entreprise qui promeut un modèle et un management collaboratif se fonde sur l’initiative, l’autonomie, l’expérience et la responsabilité de ses collaborateurs avant d’imposer des principes et des règles touchant à l’organisation du travail. Dans ce modèle, les façons d’agir sont orientées vers des formes de coopération alliant un cadre d’organisation et de management précis avec l’affirmation de la puissance des collectifs de travail. Autrement dit, on ne peut entrer dans un modèle collaboratif par un strict respect des règles et des normes; il faut pouvoir y exprimer des façons de décider et d’agir, prises dans les expériences individuelles des collaborateurs, pour faire émerger une véritable coopération.

La difficulté pour l’entreprise est alors de promouvoir ou de développer des tendances à agir collectivement qui équilibrent l’initiative et l’intérêt individuel avec le respect des objectifs et des règles communes. Cela ne signifie pas que le modèle collaboratif d’une entreprise ne définisse pas un cadre d’organisation et de management dans lequel les collaborateurs trouvent les repères indispensables à leurs actions, mais cela veut dire que le modèle collaboratif ne peut exister sans leurs schèmes de décision et d’action : témoignages de leurs vécus professionnels et des représentations qui y sont associées.

Pour faire entrer la collaboration au cœur des activités professionnelles, l’entreprise a donc besoin de révéler, autoriser, appeler et promouvoir, chez les collaborateurs, des capacités de décision et d’action d’un type nouveau qui traduisent leur disposition à se représenter leur activité selon des critères de partage des finalités et de mise en commun des savoirs et savoir-faire. Lorsqu’elles existent, ces dispositions sont le fruit d’expériences, d’intuitions, de représentations, qui mêlent observations et vécus professionnels pour reproduire et adapter des décisions et actions perçues comme efficaces : ce sont des schèmes opératoires.

Une vision de la décision et de l’action forgée dans les réussites exemplaires


Les schèmes opératoires correspondent à une vision de la décision et de l’action ; vision qui se nourrit d’analogies et de comparaisons puisées dans l’expérience professionnelle ou personnelle. Les dispositions des collaborateurs à agir collectivement résident quant à elles dans l’ampleur de leur vécu professionnel et la diversité des relations qu’ils ont entretenues au sein de leurs communautés de travail. Cela leur permet d’aborder les situations à la lumière de ce qu’ils ont observé, analysé, et capitalisé. Dans un modèle collaboratif le management crée un cadre d’organisation où les initiatives et les responsabilités des collaborateurs sont valorisées. Ce faisant, le management accorde de facto une importance primordiale aux schèmes opératoires de ses collaborateurs.

Quand une entreprise adopte le modèle collaboratif, c’est parce qu’elle valorise la force de proposition de ses collaborateurs au service de l’amélioration de ses performances et de sa compétitivité. Elle y voit une possibilité d’être plus efficace et plus innovante et considère que sa réactivité et ses capacités d’innovation sont des atouts majeurs pour lui permettre d’assoir ou développer ses avantages concurrentiels. L’objectif du travail collaboratif est de trouver le plus rapidement possible des solutions qui permettent de résoudre les problèmes posés et d’atteindre les objectifs fixés. Pour cela, il faut pouvoir s’appuyer sur des expériences réussies, des initiatives couronnées de succès, ou des exemples à suivre. Ainsi, la structure et l’organisation d’actions collaboratives se fondent sur des réussites exemplaires, des manières de décider et d’agir qui ont fait leurs preuves et sont reconnues par comme autant de repères auxquels faire référence.

Ces schèmes de décision et d’action vont s’affirmer et se croiser beaucoup plus vite que si les coopérations s’effectuaient selon des règles et des procédures explicites dont il faudrait scrupuleusement respecter l’application. Dans un modèle collaboratif, les collaborateurs bénéficient d’une organisation et d’un management qui favorisent les schèmes opératoires. Leurs visions des situations, leurs capacités à aborder les problèmes, leurs manières de décider et d’agir, sont sollicitées, encouragées, et professionnalisées. L’organisation et le management facilitent et encouragent l’expression d’argumentations confrontantes et favorisent l’intensification des échanges. C’est parce que les schèmes opératoires des collaborateurs occupent le devant de la scène que les décisions sont plus rapides et les objectifs plus facilement réalisés.

L’expression des visions et des expériences des collaborateurs, la manifestation de leurs capacités de décision et d’action, ne peuvent avoir lieu selon des procédures strictes. Même s’ils se réalisent dans un cadre organisationnel et managérial, les schèmes opératoires bouleversent les habitudes, les façons de travailler car ils représentent des singularités, des tranches de vie, dont la variété excède nécessairement les modes de fonctionnement standardisés d’une entreprise. En favorisant les schèmes opératoires, le modèle collaboratif met au jour la complexité qui traverse la stratégie et les activités des entreprises contemporaines. Il permet d’aborder cette complexité dans un cadre organisationnel et managérial qui évite de sombrer dans le désordre et l’entropie. La confrontation des schèmes opératoires et des processus est, par nature, très contextuelle d’une entreprise. Le modèle collaboratif construit ainsi, pour chacune, une synthèse unique entre sa stratégie, son cadre organisationnel et managérial, et les schèmes opératoires de ses collaborateurs. C’est en cela qu’il produit une innovation, dite managériale, perçue comme un avantage concurrentiel spécifique car non modélisable et non reproductible.

La promotion des schèmes les plus efficaces


En accordant à la délibération professionnelle une importance essentielle pour la réalisation des objectifs et la formulation de solutions innovantes, le modèle collaboratif s’engage à créer des événements qui favorisent l’expression des schèmes opératoires. Et cela passe essentiellement par la délibération professionnelle qui est, tout à la fois, un moment et un espace d’expression unique où les argumentations des collaborateurs se confrontent et s’évaluent. Pendant cette délibération la pertinence et l’impact des argumentations sont comparées par rapport au problème posé ou à l’objectif fixé. Leur caractère innovant, l’originalité de l’expérience et du savoir des collaborateurs qui défendent leur argumentation sont appréciés et valorisés par le collectif qui y puise sa force de contribution. Le type de délibération professionnelle, promu par le modèle collaboratif – la confrontation positive – fait valoir l’importance des objections et des réfutations pour tester la valeur d’une argumentation mais aussi pour renforcer les schèmes opératoires d’exigence et de construction collective. Les capacités d’expression, d’argumentation logique, les dispositions à agir et à faire agir, sont testées avec la cohérence et le contenu de leurs argumentations. A travers l’intensification des échanges que génère toute confrontation positive, le modèle collaboratif permet à l’entreprise de retenir et de promouvoir les schèmes opératoires les plus efficaces, ceux qui favorisent la réactivité, l’innovation, la découverte et l’atteinte des objectifs visés. Les schèmes de décision et d’action des collaborateurs qui permettent au collectif de produire facilement des heuristiques sont alors privilégiés, ils aident chaque collaborateur à se « lancer », à proposer des hypothèses, à les tester et à les évaluer dans des délais courts. Ainsi se crée alors la dynamique collective que le modèle collaboratif promeut, de façon spécifique pour chaque entreprise.

Un exemple : la résolution collective de problèmes


Une des formes les plus abouties de la coopération en entreprise est la résolution collective de problèmes. Si l’on considère qu’il s’agit d’un simple processus, on est en droit d’appliquer une méthode qui va permettre à un groupe de professionnels de trouver une solution. Si, au contraire, l’on pense que la résolution collective de problèmes excède largement l’application d’une méthode ou d’une technique, il faut faire appel aux schèmes opératoires que les membres du groupe sont capables de manifester. Leurs visions du problème, la façon dont ils envisagent de le traiter, mais aussi leurs dispositions à argumenter et communiquer leurs idées, vont jouer un rôle essentiel dans la démarche de résolution. On peut même estimer que les schèmes d’action des membres d’un collectif sont plus importants pour la résolution d’un problème que l’application d’une méthode.

Dans un modèle collaboratif, la résolution collective de problèmes bénéficie d’un cadre organisationnel et managérial : la confrontation positive. A partir d’objectifs et de règles donnés par le management, la confrontation positive permet aux collaborateurs de faire valoir leurs schèmes de décision et d’action à travers les argumentations qu’ils développent, les communications qu’ils réalisent, et les interactions qu’ils génèrent. Leurs visions du problème, les natures de solutions qu'ils envisagent, les dispositions qu’ils montrent dans l’échange d’idées et le partage des savoirs, indiquent une expérience et une capacité à structurer et organiser une action collaborative et à instaurer la coopération. La confrontation positive s’arrête quand l’argumentation d’un ou de plusieurs collaborateurs ne reçoit plus d’objections. Il ne s’agit pas seulement du succès d’un savoir ou d’une expertise sur les autres mais d’une aptitude à agir et à communiquer d’une certaine façon qui prévaut dans un collectif cherchant à élaborer la meilleure solution acceptée par tous. La résolution de problèmes dans un modèle collaboratif accorde une part décisive aux dispositions individuelles et aux capacités de structuration des actions par les collaborateurs ; leur schèmes opératoires sont non seulement pris en compte pendant la délibération professionnelle mais ils déterminent la réussite de la démarche.

Quand le management collaboratif prône l’autonomie, la responsabilité et l’engagement des collaborateurs, il donne à leurs schèmes de décision et d’action une importance décisive pour l’établissement d’une coopération effective. Ce sont les schèmes opératoires des collaborateurs qui permettent la mobilisation des compétences, la communication et le partage des savoirs, l’élaboration de solutions communes. Ce sont les dispositions individuelles, non écrites et non codifiées, qui donnent au collectif toute sa puissance.

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